Jürgen Schadeberg
The Compassionate Eye
14.02.23 > 08.04.23
Fidèle à son ambition de faire découvrir la diversité et le dynamisme des scènes artistiques sud-africaines, aussi bien émergentes qu’historiques, la galerie Bonne Espérance se réjouit de présenter un ensemble exceptionnel d’œuvres, exposé pour la première fois à Paris, du photographe Jürgen Schadeberg.
Si l’exposition que la galerie lui consacrait en 2021 se focalisait sur les travaux des années 50 et les effets directs de la mise en place de la politique d’apartheid, ce nouveau corpus composé d’une quinzaine d’épreuves argentiques, toutes tirées et légendées par l’artiste, propose d’explorer deux phases distinctes de la vie et de la trajectoire complexe de Schadeberg, à savoir les années ‘anglaises‘ et ‘écossaises’ à partir de 1964, et celles de son retour en Afrique du Sud à partir de 1985
Considéré comme le père de la photographie sud-africaine, figure majeure de la mouvance documentaire, directeur photo de la revue alternative noire et branchée Drum de 1951 à 1959, l’apport de Jürgen Schadeberg est considérable tant sur le plan esthétique que socio-politique. Il est à l’époque l’un des rares blancs à travailler parmi les communautés noires et à épouser sans aucune ambiguité leur cause. On pourra dire que toute sa vie, Jürgen Schadeberg se sera débrouillé pour ne photographier que ceux qu’il aiment. Pas les autres. Cela n’était pas gagné pour quelqu’un né à Berlin en 1931, qui grandit dans une Allemagne nazie, qui émigre en Afrique du Sud (rejoindre sa mère et son soldat anglais), qui trop contraint, rompt avec elle, ou plutôt avec sa politique raciste par deux fois. Le parcours de Schadeberg est simplement hors du commun.
Célèbre pour ses portraits de Nelson Mandela, dont il a été un fidèle compagnon de route, et pour sa manière espiègle et glamour de documenter les scènes jazz des années 50, son regard sensible et humaniste, son appétence pour les terrains difficiles, le conduisent naturellement vers la marge, vers des communautés invisibilisées et en souffrance. L’engagement et les choix de Jürgen Schadeberg se lisent à -même l’image, dans sa façon bien à lui de montrer où il faut être, où il faut se situer. De l’arène politique aux bas-fond, Schadeberg prend part à l’histoire, fait corps avec elle dans ses heures les plus sombres et les plus optimistes.
Q’il arpente le quartier déshérité de The Gorbals à Glasgow, les pubs populeux de Londres ou qu’il rencontre les habitants des Township et des squats à Johannesburg privés de tout, Schadeberg cherche à capturer dans ces modestes conditions, dans la fragilité des circonstances, malgré le bruit et l’inquiétude, toute l’intériorité et l’individualité des gens. S’il photographie très souvent l’effondrement, son imminence palpable, en différents points du globe, Schadeberg ne sombre jamais dans le pathos. Portraits de rue, jeunes et vieux, scènes de la vie quotidienne, instants de grâce, chaque image est une rencontre précise, une vie en cours. Et devient une petite histoire, une scène de genre. Schadeberg n’est pas un interventionniste il laisse faire les choses, il se trouve parmi elles. Les notions de domesticité, de sociabilité, d’interaction, de jeu et de hasard sont au coeur de son travail.
Résolument poétiques et subjectives, les oeuvres de Jürgen Schadeberg figurent aujourd’hui dans de prestigieuses collections dont celles de La Maison Européenne de la Photographie, de la BnF et du Fnac en France, du Victoria & Albert Museum, du Tate et du Arts Council au Royaume-Uni, de la Daimler Chrysler Collection à Berlin, et de nombreuses institutions sud-africaines.